Rénovation énergétique des bâtiments : des manques de bras dans toutes les régions - Rive Eco

Dans une étude présentée ce lundi, France Stratégie et le ministère du Travail ont détaillé les besoins de main-d’œuvre dans les métiers du bâtiment d’ici à 2030. L’Ile-de-France arrive nettement en tête.

Le secteur du bâtiment, à la fois responsable d’émissions importantes de gaz à effet de serre et important pourvoyeur d’emplois, joue un rôle essentiel dans la réussite de la stratégie bas carbone de la France. Le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) a établi des objectifs ambitieux de réduction : une diminution de 61 % des émissions d’ici 2030. Cependant, il est primordial que les entreprises puissent trouver la main-d’œuvre nécessaire pour atteindre ces objectifs ambitieux en matière de rénovation énergétique.

Il y a un peu plus d’un an, France Stratégie, un centre de réflexion et de prospective lié à Matignon, et la Dares, la direction statistique du ministère du Travail, ont publié leur premier rapport prospectif sur les métiers à l’horizon 2030. Ce rapport a fourni une estimation globale en prenant pour hypothèse que les effectifs dans la construction neuve resteraient stables. Selon cette estimation, l’effort de rénovation énergétique nécessitera environ 250 000 emplois supplémentaires sur la période, couvrant tous les métiers du secteur.

« Manque de bras partout »

Lors de la deuxième conférence des métiers et des compétences, qui a eu lieu ce lundi, un rapport a été présenté, confirmant l’importance des besoins en main-d’œuvre dans le secteur de la rénovation énergétique. Ce rapport a également permis d’obtenir une meilleure compréhension de la répartition régionale des pénuries de main-d’œuvre qualifiée.

France Stratégie et la Dares ont analysé et regroupé divers ensembles de données, tels que les proportions de logements énergétiquement inefficaces par département, les logements chauffés au fioul, les départs en retraite, les créations nettes d’emplois et l’arrivée sur le marché du travail des jeunes diplômés. Les résultats de cette évaluation mettent en évidence un déficit de main-d’œuvre de 220 000 personnes uniquement dans les métiers du bâtiment, alors que les tensions de recrutement sont déjà très fortes et généralement reconnues.

Lorsqu’on prend en compte les flux migratoires de jeunes et les embauches naturelles, il apparaît clairement que l’Ile-de-France est la région où ces facteurs ne suffiront pas à couvrir les besoins en main-d’œuvre. On estime ainsi qu’un déséquilibre cumulé de 65 000 postes non pourvus se produira dans la région entre 2019 et 2030. L’Auvergne-Rhône-Alpes suit de près avec un déficit estimé à 29 000 postes, tandis que l’Occitanie, la Paca et la Nouvelle-Aquitaine affichent des chiffres similaires d’environ 20 000 postes non pourvus, voire légèrement plus.

Si l’on se concentre uniquement sur les ouvriers qualifiés du second œuvre, l’estimation indique qu’il y aura environ 100 000 postes vacants. Même les postes de cadres, généralement considérés comme plus attractifs, ne seront pas épargnés, avec une estimation de 26 000 postes non pourvus. En résumé, comme le souligne Dorian Roucher, sous-directeur de l’emploi et du marché du travail à la Dares, le constat principal est que la pénurie de main-d’œuvre touchera tous les domaines du secteur de la rénovation énergétique.

L’attractivité limitée :

 Plusieurs facteurs auront une influence sur ces scénarios, notamment l’évolution de la construction neuve qui, en cas de poursuite de sa baisse, pourrait libérer des travailleurs, bien que cela reste insuffisant. Une des solutions potentielles pourrait résider dans l’utilisation de la main-d’œuvre issue du pool de chômeurs, qui n’est pas pris en compte dans le modèle de France Stratégie et de la Dares. Bien que l’immigration puisse également contribuer, il ne faut cependant pas trop compter sur les reconversions professionnelles : entre 2020 et 2021, seules 4 200 personnes ont choisi de se tourner vers la rénovation énergétique en tant que métier.

« C’est l’illustration de la faible attractivité de ces métiers », estime la directrice du département travail, emploi et compétences de France Stratégie, Hélène Garner, convaincue que la formation initiale ou continue, même s’il s’agit d’un levier très important, ne suffira pas. Atteindre les objectifs de la planification énergétique demandera donc un gros travail sur les conditions de travail, l’efficacité des aides, mais aussi sur la labellisation des entreprises, sachant qu’un chantier sur trois présente des non-conformités. Alain Ruello

Sources : « les Echos »